Lorsqu’il s’agit de boire ou manger, les goûts et les couleurs ne se discutent pas – le plat préféré d’une personne peut très bien s’avérer être le plat cauchemar d’une autre. Mais comment est-ce possible que dans certains cas les goûts diffèrent au point qu’on ne ressente pas du tout les mêmes saveurs ?
Un des exemples les plus connus est celui de la coriandre, qui pour certains est un ingrédient phare à utiliser en cuisine mais qui pour d’autres a vraiment le goût du savon. Cela semble impossible (et plutôt dégueu) à imaginer pour ceux qui ne le ressentent pas comme tel, nous avons donc décidé de creuser le sujet !
© Jason Tuinstra @wjtuinstra
Beaucoup de facteurs rentrent en compte quand il s’agit de goûts, mais les scientifiques ont identifié cinq saveurs clefs : le salé, le sucré, l’acide, l’amer et un petit nouveau : l’umami. Non non, pas l’unagi, la fameuse anguille d’eau douce ou l’état d’esprit de « totale conscience des choses » auquel fait référence Ross dans Friends, mais bien l’umami, un mot japonais pour désigner le « goût savoureux ». Les saveurs sont innées mais ce que nous cherchons à comprendre ici c’est pourquoi une nourriture peut révéler des saveurs complètement différentes selon les personnes.
John Prescott, directeur de TasteMatters Research & Consulting, a approfondi le sujet pour son livre Taste Matters : Why We Like The Foods We Do (littéralement : Le goût compte : pourquoi nous aimons la nourriture que nous aimons). Dr. Prescott a pris pour exemple Olivier, un étudiant de 20 ans, qui évite tous les plats épicés, amers, acides ou trop savoureux malgré le fait que ses parents lui aient servi des plats variés dès son plus jeune âge. Il explique dans un chapitre qu’Olivier « a un nombre anormalement élevé de papilles gustatives sur sa langue. De plus, il présente une version très spécifique du gène du goût (connu sous le nom de tas2r38). Ce gène peut s’exprimer sous trois différentes formes et Olivier a celui présent chez 20-25% de la population occidentale ».
Les individus présentant une grosse densité de papilles gustatives sont catégorisés comme des « superstars » alors qu’à l’opposé se trouvent les « sans-goûts » qui ont peu ou pas du tout de goût (et surtout pas de surnom cool). « Plus les saveurs sont intenses, plus les différences entre les catégories de goûteurs vont se creuser » ajoute le Dr. Prescott. « On peut donc s’attendre à ce que les plats très piquants – typiquement ceux contenant du chili ou d’autres épices – soient perçus de façons totalement différentes selon les groupes de goûteurs ».
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Notre mémoire joue également un rôle dans la façon dont nous percevons les goûts. Le Dr. Prescott précise que les saveurs ne proviennent pas uniquement de notre bouche et notre nez, mais que les souvenirs que nous associons à nos expériences culinaires jouent également un rôle, rendant les goûts en partie cognitifs.
Les bonnes bactéries peuvent également provoquer des changements, tout comme la nourriture que nous consommons peut faire varier le niveau de microbes présents dans notre système digestif. « Les bonnes bactéries ne répondent pas seulement à ce que nous mangeons mais elles nous dictent les aliments qui nous conviennent » explique Jeraldine Curran, fondatrice de The Food Nutritionist et nutritionniste spécialisée dans le système digestif. Elle ajoute que ces bonnes bactéries peuvent également être affectées par notre âge, notre poids et même la façon dont nous sommes nés – naturellement ou par césarienne.
« Les bonnes bactéries présentes dans notre système digestif sécrètent différents types de substances selon les aliments que nous ingurgitons, activant des gènes et absorbant des nutriments » continue Jeraldine. « La nourriture que nous absorbons peut modifier l’équilibre des microbes dans le système digestif. Les milliards et les milliards de mini microbes – plus communément connus sous le nom de microbiomes – jouent un rôle non seulement dans le goût qu’auront les aliments que nous mangeons mais aussi dans le choix des aliments que nous faisons ».
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Même nos gènes peuvent être à l’origine des saveurs que nous percevons ! Des variations génétiques peuvent affecter notre goût et nos papilles gustatives sont en quelques sortes héréditaires. « Près de 50% des préférences alimentaires sont héréditaires. Certaines sont issues du régime que suivait notre mère lorsqu’elle était enceinte selon les saveurs que nous recevions via le liquide amiotique » explique le Dr. Prescott.
Pour conclure, la coriandre peut avoir le goût de savon pour plusieurs raisons : vous avez des papilles gustatives « superstars », vous associez la consommation de l’herbe aromatique à de mauvais souvenirs (peut-être était-elle présente en trop grande quantité dans un plat) OU votre mère n’a jamais consommé de coriandre durant sa grossesse, rendant cette saveur très particulière et étrangère à vos papilles.
Donc, à toutes les futures mères ne souhaitant pas élever des fines bouches : croquez dans tout ce que vous pouvez avant d’accoucher afin de préparer à votre progéniture un palais varié et sophistiqué !